Une équipe de chercheurs marseillais de l’Institut des Sciences du Mouvement publie dans la revue scientifique PNAS sa méthode Skypole sur la géolocalisation inspirée des oiseaux. Des travaux de tout premier plan au niveau international.

Et si pour se géolocaliser au lieu de multiplier l’envoi de satellites dans l’espace, on étudiait d’un peu plus près la nature ? C’est en partant de ce pos­tulat que les chercheurs marseillais de l’Institut des sciences du Mouvement travaillent de­puis plusieurs années à Lumi­ny. En 2019, AntBot, le robot fourmi qu’ils ont conçu, avait déjà permis de développer de nouvelles tech­nologies en s’appuyant sur les compétences des fourmis pour trouver leur cap. « Mais les robo­ticiens veulent aller plus loin pour non seulement trouver son cap, mais aussi se géolocaliser« , explique Julien Serres, maître de conférences spécialisé dans la robotique bio-inspi­rée et le biomimétisme à l’Ins­titut des Sciences du Mouvement rattaché au CNRS et à Aix Marseille Université.

Six chercheurs ont ainsi commencé à travailler à la vérification d’une hypothèse émise dès les années 1960 en faisant l’acquisition d’une caméra polarimétrique, un imageur de quelque 5 millions de pixels. « Nous l’avons installée sur le toit du laboratoire afin d’avoir une vision panoramique et avons recherché la fa­çon dont tournait le motif de polarisation dans le ciel afin de trouver le vrai nord » poursuit le chercheur. Le vrai nord ? Ce n’est pas celui, magnétique, vers lequel se dirige l’aiguille d’une boussole. « Ce pôle magnétique bouge et est moins fiable que le pôle nord céleste », sou­ligne Julien Serres. Pour retrouver ce nord, les oiseaux migra­teurs, comme le Passerin indigo et le Bruant des prés observent finement le ciel. De nuit, ils utilisent la rotation des étoiles et se calent sur Polaris, l’étoile po­laire. De jour, ils analysent la polarisation du ciel. Très répandue dans le monde animal, mais invisible pour l’œil humain, la polarisation du ciel est liée au phénomène de diffusion de Rayleigh, à l’origine de la couleur bleue du ciel.

Thomas Kronland-Martinet, doctorant à l’Institut des Sciences du Mouvement et à l’Institut Matériaux Microélectronique Nanosciences de Pro­vence, travaille depuis près de deux ans sur la question à partir des données collectées auprès des oiseaux migrateurs. Le capteur installé pen­dant plusieurs semaines sur le toit de l’Institut des Neuros­ciences de la Timone a montré que même en ville, avec une faible visibilité du ciel, on peut arriver à se géolocaliser précision grâce aux propriétés géométriques du motif de polarisation, et ce, sans être relié aux GPS ou aux ondes radio. « Actuellememt, la vision de la lumière polarisée n’est pas utilisée pour la navigation, et c’est ce sur quoi nous nous spécialisons » explique Julien Serres.

Les Marseillais tiennet ainsi la graguée haute face aux concurrents chinois et américains, ce qui explique l’importance de la publication de leurs travaux mardi 18 juillet dans la revue scientifique américaine pluridisciplinaire PNAS. « En Europe, nous sommes les seuls à développer ce type de recherche bio-inspirée« , insiste l’homme originaire de La Bouilladisse. « La méthode SkyPole a fait l’objet d’un dépôt de brevet à la Société d’Accélération de Transfert de Technologies Sud-Est. On aimerait continuer à faire des essais pour les automobiles, générer des banques de données et travailler sur l’intelligence artificielle. On veut en faire une invention d’utilité publique« .

Les chercheurs espèrent que leur publication incitera les biologistes à pousser leurs recherches, notamment sur la navigation des oiseaux et leur rétine. Car la portée de SkyPole est immense face aux inconvénients que représentent les outils actuels. « Le compas magnétique est très sensible aux perturbations électromagnétiques, le gyrocompas très coûteux et en­combrant, les signaux des satellites peuvent être facilement brouillés ou usurpés et les étoiles ne peuvent être utilisées que de nuit sous un ciel clair« , détaille Julien Serres. Et parce qu’à Mar­seille, on n’a pas de pétrole, mais on a des talents, l’équipe travaille actuellement avec la start-up Solnil afin que l’algorithme permette de fabriquer un capteur optique high-tech et… 100% Marseillais.

Laurence Mildonian

Presse régionale La Provence :

  • Laurence Mildonian, le 20 juillet 2023, Garder le cap grâce aux oiseaux, page 7, La Provence, édition marseillaise.
    Publication sur Internet le 28 juillet 2023.